Avant l’arrivée des Européens
Il nous faut d’abord présenter une brève description des traits marquants des cultures autochtones, ainsi qu’un aperçu des changements produits au contact des Européens.
Les Autochtones ne forment pas un groupe homogène; il est donc impératif de reconnaître ces distinctions. Les Autochtones de l’Est se divisaient en deux grandes familles linguistiques : les groupes de langue algonquine et ceux de langue iroquoise. Ces familles étaient composées de communautés différenciées entre elles par le dialecte, les croyances, les rites religieux et l’occupation du territoire.
La famille iroquoise
Au XVIe siècle, les groupes de langue iroquoise étaient établis dans la région des Grands Lacs. Un de ces groupes, appelé les Iroquois laurentiens, occupait une bande de territoire entre Montréal et l’Île-aux-Coudres. Les Pétuns, les Neutres et les Hurons habitaient, pour leur part, le sud de l’Ontario.
Les Hurons, dont la population au début du XVIIe siècle s’élevait à plus de 20 000 personnes, étaient établis près du lac Huron. Les Iroquois étaient d’abord des agriculteurs et vivaient dans des villages construits à proximité des cours d’eau, entourés d’une ou plusieurs rangées de palissades faites avec des troncs d’arbres, rappelant les villes fortifiées du Moyen Âge.
L’environnement écologique se caractérisait par un climat relativement doux et la présence d’une abondance de terres arables ce qui a joué un rôle important dans le développement de l’agriculture chez les groupes iroquois.
L’unité collective se composait d’une mère, de ses filles adultes avec leurs maris et leurs enfants, ou d’un groupe de sœurs qui habitaient dans une même maison longue. Le système parental chez les Iroquois était matrilinéaire, de sorte que la transmission des biens se faisait en ligne maternelle. La résidence était matrilocale : lorsqu’un homme se mariait, il allait vivre avec sa femme.
Les hommes avaient la responsabilité des tâches de défrichage et de construction et faisaient aussi la chasse et la pêche. Les femmes étaient propriétaires des terres cultivées, des outils agricoles et des grandes maisons rectangulaires. Les femmes choisissaient les Chefs.
La famille algonquine
Les Abénakis font partie de la famille algonquine. Des indices nous permettent de croire que ces peuples s’étaient établis dans la région de la Baie James vers l’an 5000 avant Jésus-Christ.
Ces groupes vivaient de chasse, pêche et cueillette de fruits sauvages. Un tel mode de production les obligeait à se déplacer selon les saisons et les ressources du territoire. Ces chasseurs nomades se déplaçaient en petites bandes composées généralement du père, de ses fils ou de quelques-uns de ses frères accompagnés d’une famille.
Les fonctions du leader ou chef de bande consistaient à planifier les activités économiques et cérémonielles et à déterminer les circuits migratoires. Les chefs étaient choisis d’après leur habileté, leur sagesse et leur générosité. Ils ne possédaient aucun pouvoir coercitif pour faire respecter leurs décisions. Leur pouvoir était fragile puisqu’il reposait essentiellement sur le consensus du groupe.
Chaque bande exploitait plus ou moins exclusivement une région reconnue comme étant celle du groupe. Le partage des tâches chez ces groupes de chasseurs-cueilleurs était basé sur la division sexuelle. La chasse au gros gibier constituait une activité exclusivement masculine. Les femmes se chargeaient de la cueillette, de la préparation des repas, de la confection des vêtements.
Ils utilisaient généralement comme forme d’habitation la tente conique appelée Wigwam.
Contact avec les Européens
Quand des groupes de culture différente entrent en contact, il se produit inévitablement des changements dans les modèles culturels de chacun. En premier lieu, les intérêts économiques des Européens ont amené les Autochtones à adopter une économie de piégeage complétée par la chasse, la pêche et dans certains cas l’agriculture.
Ils échangeaient des peaux et des fourrures contre des fusils, de la farine, du thé, du sucre. Les Autochtones se sont adaptés de façon rapide à l’économie de piégeage puisque ce type d’économie s’apparentait aux activités traditionnelles de chasse.
Il faut se rappeler que le commerce entre les communautés existait avant l’arrivée des Européens. Les Iroquois échangeaient avec les Algonquiens leurs produits agricoles contre des fourrures, de la viande et du poisson séché. Des alliances existaient entre certains groupes qui agissaient comme groupes d’échange plutôt que comme groupes compétitifs.
L’adoption du piégeage poussa les bandes de langue algique à se regrouper à proximité des postes de traite. Les Hurons devenus les principaux partenaires commerciaux des Français, contrôlèrent le commerce des marchandises européennes auprès des groupes algonquins.
La concurrence qui s’établit entre les groupes autochtones donna lieu à des rivalités entre les communautés. Les guerres au 17e siècle entre la Confédération Iroquoise et les Hurons alliés aux Français sont un des résultats directs de cette compétition pour le contrôle du commerce.
Ces guerres conduisirent à la disparition des Hurons et à l’affaiblissement des confédérations iroquoises en tant qu’entités politiques. Les famines, la présence des missionnaires et la création des réserves indiennes furent aussi des facteurs importants des changements.
Les Abénakis
Le nom Abénakis découle de l’expression « Wabanaki » qui signifie « pays qui est à l’est ». Ils étaient chasseurs-cueilleurs. Ils parcouraient un territoire très vaste allant des États de la Nouvelle-Angleterre jusqu’aux provinces maritimes.
Avant 1650, on parle peu des Abénakis. C’est qu’avant cette époque, les Abénakis ne dérangeaient pas : ils vivaient selon leurs traditions et parcouraient leurs territoires de chasse.
Mais voilà que les colons anglais ont besoin du territoire, surtout celui qui est près des côtes. Alors les guerres commencent et les Abénakis se replient. Des communautés entières sont exterminées.
Les Abénakis nouent des liens étroits avec les Français avec qui ils défendaient le commerce de la fourrure contre les visées expansionnistes des Anglais de la Nouvelle-Angleterre. Ils se convertissent au catholicisme et, dès lors, ils se déplacent avec leurs missionnaires.
Vers 1661, ils habitent une mission à Sillery. En 1684, ils quittent Sillery pour aller s’installer près des chutes de la rivière Chaudière. Vers 1700 commence une migration importante sur le plan stratégique, qui incite les Abénakis à s’établir à Odanak et à Wôlinak.
Incorporés dans les troupes franco-canadiennes, les Abénakis ont démontré leur fidélité à la cause française. Ils ont participé aux batailles d’Oswego, William Henry, Carillon, Montmorency, jusqu’à la défaite des Plaines d’Abraham le 13 septembre 1759. En 1812-1814, ils participèrent à la guerre canado-américaine.
L’exploit le plus marquant fut la victoire de Châteauguay le 26 octobre 1813. Plus tard, quelques-uns d’entre eux marchèrent aux côtés des Patriotes. Les Abénakis avaient cependant conservé leurs habitudes de chasse. L’agriculture continua de végéter. Par contre, ils développèrent leur industrie de tannerie et de vannerie, encore reconnue aujourd’hui.
Au début de 1900, la plupart des résidents d’Odanak fabriquaient les paniers en frêne et foin d’odeur. Durant l’hiver et dès le printemps, les familles se rendaient aux États-Unis pour vendre leurs produits et des plantes médicinales.
Après la guerre, l’industrie des paniers tomba dans la stagnation. La concurrence japonaise sur le marché américain avait tué à tout jamais l’industrie abénakise des paniers.
Nous retrouvons, dans toutes les communautés autochtones, un désir de reconquérir l’autonomie culturelle. Ce désir se manifeste de diverses façons, entre autres par les efforts déployés pour le renforcement de certaines caractéristiques, par exemple, les langues autochtones.
Le développement d’associations autochtones constitue un autre signe d’un vouloir collectif.
Pour conclure, disons que les Autochtones du Québec ne formaient pas à l’époque préhistorique une entité culturelle homogène; encore aujourd’hui ils sont groupés en communauté culturellement distinctes qui revendiquent chacune leur autonomie tout en prônant une association permettant de faire front commun pour le mieux vivre des populations.
D’après deux articles publiés dans le Courrier de Saint-Hyacinthe du 29 janvier et 5 février 1986 qui reproduisent le texte d’une conférence donnée en mai 1985 à Saint-Hyacinthe lors du Congrès de la Fédération des Sociétés d’Histoire du Québec. La conférencière, Nicole O’Bomsawin était alors directrice de la Société d’histoire d’Odanak.