Catégorie: Sciences
Sous-catégorie: Astronomie
Auteur: Martin Ostiguy
Le 8 avril prochain, vous le savez certainement déjà, vous pourrez assister à une éclipse totale du soleil, une expérience qui n’arrive pas souvent dans une vie!
Nous avons pensé que l’occasion était belle pour raconter l’histoire de Monseigneur Charles-Philippe Choquette, passionné de science et d’astronomie, qui a participé deux fois à des expéditions ayant pour objectif d’observer une éclipse totale du soleil. La première expédition eut lieu au Labrador en 1905 et la seconde en Norvège en 1927.
Charles-Philippe Choquette est né le 8 décembre 1856 à Beloeil. Il est le fils de Joseph Choquette, cultivateur et de Thaïs Audet. Après avoir fait ses études classiques et de théologie au Séminaire de Saint-Hyacinthe, il est ordonné prêtre le 19 septembre 1880. Il est d’abord professeur de science à son Alma Mater durant cinq ans, puis en 1885, il entreprend un stage d’études à Paris. De retour au pays, il reprend l’enseignement des sciences au Séminaire ainsi qu’à la succursale montréalaise de l’Université Laval (l’actuelle Université de Montréal). De 1889 à 1901, il organise et maintient un laboratoire officiel de chimie pour le gouvernement provincial.
La physique et la chimie étaient ses principaux sujets de prédilection. En plus d’enseigner, il donne plusieurs conférences qui sont très courues et appréciées. Il faut dire qu’au début du XXe siècle, l’intérêt du public pour les sciences est grandissant. Les nouvelles scientifiques ont la cote! D’ailleurs Mgr Choquette a été à l’affut des nouveautés dans ce domaine durant toute sa carrière. L’électricité, le téléphone, la télégraphie sans fil, les rayons X, sont des inventions qui le passionnèrent particulièrement.
Du côté ecclésiastique, il connait également une belle carrière. En 1906, il devient chanoine, puis prélat domestique six ans plus tard. Il sera supérieur du Séminaire de 1904 à 1913, puis vice-supérieur jusqu’en 1934. En 1909, il est délégué au premier concile plénier de l’épiscopat canadien qui se tient à Québec. Très intéressé par l’histoire, il rédigera une histoire du Séminaire de Saint-Hyacinthe (1911-1912) et une histoire de la ville de Saint-Hyacinthe (1930). Mgr Choquette a une belle plume, ce qui rend ses écrits très dynamiques et fort intéressants à lire.
Parmi ses nombreux points d’intérêt, et certainement pas en dernier lieu, se trouve l’astronomie. C’est ainsi qu’il se mit en tête d’observer les éclipses totales du soleil. Une éclipse solaire survient lorsque la lune s’interpose entre la terre et le soleil. Selon les positions respectives de la lune et de la terre, une éclipse peut être partielle ou totale. Une éclipse totale du soleil est spectaculaire car le temps s’assombrit comme en pleine nuit. On peut même, à l’occasion, voir scintiller des étoiles.
La première éclipse totale du soleil à laquelle assiste Mgr Choquette a lieu le 30 août 1905 au Labrador. L’événement est d’importance et partout à travers le monde, on organise des expéditions pour aller observer le phénomène. Le premier ministre du Canada, Robert Borden, demande à Joseph Pope, sous-secrétaire d’État aux Affaires extérieures, d’organiser une expédition dans le Labrador, au nom du gouvernement. Pope demande à Mgr. Choquette de faire partie de l’aventure. Ce dernier accepte avec empressement.
La Mission canadienne de l’éclipse s’installe dans le petit village de North West River dans l’Ungava. Laissons Mgr. Choquette nous décrire les installations : « J’imagine qu’il n’y a rien d’aussi bizarre, aux yeux d’un profane, qu’un camp d’astronomes. Une vingtaine de tentes profilent sur l’Horizon, leurs blanches silhouettes pointues. Tout près, sur des bases solides reposent les instruments (d’observation), de forme étrange, élevant vers le ciel un bras menaçant. Télescopes, spectroscopes, spectrographes, tous attirent les regards. » Le petit camp est organisé par un couple de scientifiques britanniques, les Maunder. Madame Maunder est reconnue pour avoir pris la photographie la plus parfaite d’une couronne solaire, ce qui lui vaut, toujours selon Choquette, « une place d’honneur dans l’histoire des éclipses. »
Ces détails, et plusieurs autres se trouvent dans un texte intitulé « À la poursuite de l’éclipse de 1905 » rédigé par Mgr Choquette à la demande du directeur de La revue canadienne en 1908, soit trois ans après l’événement. Les péripéties du voyage sont aussi intéressantes que le récit de l’éclipse en lui-même, d’autant plus que la température fut très peu clémente. Des nuages ont couvert le ciel au moment fatidique et Mgr Choquette annonce tristement : « Nous avons manqué l’éclipse! »
Presqu’un quart de siècle plus tard, soit le 29 juin 1927, il tente de se reprendre. Cette fois, c’est en Norvège qu’a lieu une éclipse solaire totale. Notre aventurier a 71 ans, cette fois, mais rien ne pourrait l’empêcher d’assister à l’événement. Il part seul, muni d’une lettre du Secrétariat de la province qui lui permettra de se joindre aux nombreux cercles scientifiques qui seront sur place. À Paris, il est rejoint par Samuel Casavant, de la Maison Casavant Frères. Ils se rendent au petit village de Fagerness où ils espèrent observer l’éclipse. Tous les détails de son voyage nous sont narrés grâce à une série de onze lettres qu’il écrit à un ami.
Une fois de plus, la nature ne sera pas avec lui et de gros nuages l’empêcheront, comme en 1905, de voir l’éclipse. Mais, il fera de nouveau contre mauvaise fortune bon cœur, appréciant toutes les expériences inédites qu’il a pu vivre au cours de cette expédition! En 1928, Richer et Fils, les libraires-éditeurs de Saint-Hyacinthe, éditeront un recueil des onze lettres. Ce recueil sera réédité en 2013 par le Club d’astronomie maskoutain. L’astronome bien connu, Jean-René Roy, natif de Saint-Hyacinthe, en signe la préface.
Mgr Charles-Philippe Choquette est décédé le 15 février 1947 à l’âge vénérable de 90 ans. Il est inhumé dans la crypte du Séminaire de Saint-Hyacinthe. Lorsque vous regarderez l’éclipse (de manière sécuritaire, faut-il le rappeler!) le 8 avril prochain, ayez une pensée pour lui, qui aurait certainement apprécié de pouvoir observer ce phénomène qui aura lieu, cette fois, dans sa propre ville!