Dans son édition du 28 août 1943, le journal Le Nouvelliste présente plusieurs paroisses de la région trifluvienne. Et pour chacune de ces paroisses, on souligne les réalisations de quelques citoyens. C’est ainsi que j’ai découvert, sur la page consacrée à Saint-Étienne-des-Grès, une photo de mes arrière-grands-parents, Alfred Bellemare et Clara Beaulieu, manufacturiers de raquettes. On souligne, dans l’article que la famille Bellemare fabrique des raquettes depuis cinquante ans, donc depuis la fin du XIXe siècle. On fait aussi remarquer que les raquettes de la famille Bellemare jouissent d’une réputation qui s’est répandue dans toute la province.
Sur la photo qui accompagne l’article et qui est reproduite ici, on peut voir le couple Bellemare à l’ouvrage avec deux de leurs enfants, mon grand-oncle Armand et ma grand-tante Claire. Tous les enfants d’Alfred et Clara ont participé à l’industrie familiale. La babiche n’avait de secrets pour aucun d’entre eux! Les babiches, ce sont des lanières de peau de vache séchée qui servent à la fabrication des raquettes. Elles étaient tressées et fixées sur un cadre en bois. La boutique des Bellemare se trouvait sur la rue principale à Saint-Étienne-des-Grès. Plusieurs frères et beaux-frères d’Alfred avaient également un atelier de fabrication de raquettes dans le même village. Curieusement, la demande était tellement forte qu’ils ne se sont jamais nuit les uns les autres.
Dans un autre article du Nouvelliste datant du 17 juillet 1962, on souligne le soixantième anniversaire de mariage d’Alfred et Clara. Le journaliste résume la carrière d’Alfred qu’il qualifie d’artisan. On y lit qu’Alfred avait appris son métier de son père, Honoré et de sa mère, Philomène Blais, elle-même habile artisane et qu’il l’a exercé pendant plus de soixante années, fabriquant dans sa vie plus d’une dizaine de milliers de paires de raquettes. Selon son propre aveu, ses années les plus prospères ont été celles de l’entre-deux-guerres. Durant cette période, il donnait du travail à plus d’une quinzaine d’employés. Âgé de 78 ans en 1962, il avoue qu’il lui arrive parfois d’accepter de fabriquer une paire de raquette bien qu’il soit à la retraite.
En plus de la fabrication de raquettes servant à marcher sur la neige, la famille Bellemare fabriquait également de petites raquettes décoratives ornées de pompons et de rubans. Ces petites raquettes étaient également fort populaires. Ma mère en possède d’ailleurs encore une paire, souvenir de ses grands-parents qui pratiquaient un métier aujourd’hui disparu…
Martin Ostiguy
Historien et archiviste
Photo: Collection personnelle de Martin Ostiguy