L’arche de Noé (1876-1950)

Article paru dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe le 4 mars 1992

Catégorie: Patrimoine bâti

Sous-catégorie: Communautaire

Auteur: Raoul Bergeron

Afin de faire place à l’édifice actuel de la compagnie Bell Canada à l’angle des rues Hôtel-Dieu et Dessaulles, on procède, en mars 1950, à la démolition d’un immeuble en bois connu sous le nom de l’Arche de Noé. Le terrible incendie survenu le 3 septembre 1876, qui avait pris naissance dans un hangar situé à l’arrière d’un magasin de la rue des Cascades occupé par le sellier Magloire Blanchet, avait détruit plus de 600 maisons dans le centre et le bas de la ville et mis des centaines de familles sur le pavé en quelques heures. Les autorités du Séminaire de Saint-Hyacinthe, compatissant au malheur de ces gens, décident de construire en toute hâte une bâtisse de 150 par 25 pieds à proximité de la cathédrale.

Ce bâtiment, connu à l’origine sous le nom de  “Bloc du Collège”, avait deux étages avec mansarde et grenier. Partagé en dix logis de six pièces chacun, il servit à héberger de nombreux sinistrés. À l’arrière, se trouvait un hangar de même longueur distancé d’une vingtaine de pieds de l’immeuble principal. La communauté des Sœurs de Saint-Joseph s’en porta acquéreur en 1881, en fit sa Maison-mère et l’occupa jusqu’en 1889. L’expansion rapide de cette communauté l’obligea à construire le bloc central du couvent actuel de la rue Raymond en 1888 auquel bloc, s’ajoutèrent des agrandissements considérables au cours des années, le dernier en 1946.

Le 12 juin 1888, les religieuses vendent pour 4 000$ l’ancien “Bloc du Collège” à Jacob Ledoux et le 22 novembre de la même année, ce qu’elles croyaient être le reste du terrain leur appartenant dans le voisinage immédiat, à Charles Lapierre. Ce n’est que cinquante-huit ans plus tard, soit en 1946, lorsque Bell Canada acheta l’emplacement, que l’on découvrit que la communauté des Sœurs de Saint-Joseph était encore propriétaire d’une étroite bande de terrain à l’arrière de l’Arche de Noé. Les religieuses cédèrent bien volontiers cette parcelle de terrain à la compagnie Bell Canada, le 7 novembre 1946. La chose est bien visible par l’échancrure du terrain sur la ligne latérale de l’édifice.

L'arche de Noé dans les années 1940. Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe, Fonds CH366 Jacques Fiset.
L’arche de Noé dans les années 1940. Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, Fonds CH366 Jacques Fiset.

Au moment de l’achat de l’Arche de Noé par Bell Canada, treize familles habitaient l’immeuble et éprouvaient des difficultés à se trouver un logement en raison de la grave pénurie de logis dans notre ville. Consciente d’une responsabilité sociale qu’elle crût devoir assumer, la Compagnie ne voulut rien brusquer qui aurait été de nature à créer des embêtements sérieux à des gens dont certains habitaient l’immeuble depuis plus de 45 ans. La dernière locataire, une dame Maria Michaud, quitta la place le 10 novembre 1949.

Entre l’Arche de Noé et l’ancienne demeure du sénateur Georges-Casimir Dessaulles, il y avait une très belle maison de brique habitée par monsieur J.-Armand Boies longtemps à l’emploi de l’École Provinciale de Laiterie et où a déjà demeuré le musicien et organiste réputé, Télesphore Urbain. Cette maison tomba sous le pic des démolisseurs afin de permettre l’agrandissement de l’édifice de Bell Canada, en 1973.

Vétuste au moment de sa démolition en 1950, la vieille Arche de Noé ne faisait pas moins partie du patrimoine bâti de Saint-Hyacinthe. Elle eut pignon sur rue pendant trois quarts de siècle; elle a abrité de nombreux sinistrés au lendemain du pire incendie qui ait jamais affligé notre ville et fut pendant un temps la Maison-mère de la communauté des Sœurs de Saint-Joseph.

 

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