Articles parus dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe les 8, 15 et 22 octobre 2003
Catégorie: Industries
Sous-catégorie: Fonderies
Auteur: Jacques Fiset
La fondation de la Volcano a nécessité la réunion de trois compagnies. Cet article dresse un portrait de ces trois industries.
O. Chalifoux & Fils Ltée
Olivier Chalifoux est né le 20 octobre 1825 à L’Assomption dans Lanaudière. De son mariage avec Odile Sentenne sont nés quatre garçons et trois filles. Le jeune Olivier s’engage comme forgeron dans les ateliers de la compagnie de chemin de fer, St. Lawrence & Atlantic Railway à Montréal. Il ne tarde pas à se faire reconnaître comme un ouvrier supérieur. En 1849, la compagnie St. Lawrence & Atlantic Railway lui offre d’aller s’établir à Saint-Hyacinthe, qui était à ce moment-là le terminus, pour ouvrir un atelier qui se chargerait des diverses réparations sur leurs engins.
Ne possédant aucun capital, il établit une petite forge sur la rue Saint-Joseph, entre les rues Cascades et Girouard. D’année en année, il progresse lentement comme machiniste et fondeur. En 1879, son fils Thomas entre en société avec lui, sous la raison sociale O. Chalifoux & Fils, fondeurs, machinistes et fabricants de batteuses. Après 33 années de travail assidu, le 5 septembre 1882, le feu se déclare dans ses ateliers.
Fâcheusement, l’aqueduc et la pompe ne fonctionnèrent qu’après un long retard. Cette fois, la faute retomba sur les policiers qui, paraît-il, à l’heure de l’alarme, pique-niquaient sous les pins, au champs de courses. Ils avaient compté sur la finesse de leurs oreilles. Lorsque la pompe à vapeur et les pouvoirs d’eau furent prêts à combattre, les flammes avaient déjà envahi tous les ateliers. C’est grâce aux efforts du corps de pompiers et d’un bon nombre de citoyens que le feu a pu être limité aux installations Chalifoux. Le bilan est lourd. Les pertes sont de l’ordre de 12 000 $ alors que les assurances ne couvrent que 4 000 $ de dommages.
Malgré ces pertes, Olivier Chalifoux achète un terrain sur la rue de La Bruyère pour se faire construire une toute nouvelle manufacture. Quatre mois plus tard, en janvier 1883, le travail reprenait dans le nouvel établissement, muni d’un outillage nouveau, adapté à leurs spécialités, avec des modèles neufs en rapport avec les besoins du temps.
En 1893, le fondateur se retire laissant sa place à son autre fils, Trefflé qui revenait de l’Ouest canadien. Il remodela les diverses machines fabriquées ce qui valut à l’entreprise une grande réputation comme en fait foi les nombreuses commandes reçues de toutes les parties du Canada.
En août 1904 Saint-Hyacinthe perdait en la personne d’Olivier Chalifoux, une des figures les mieux connues de son histoire industrielle. Quelques années plus tard, en 1909, âgé de 42 ans, son fils Thomas, décéda lui aussi. Toujours en 1909, la compagnie est incorporée pour devenir la Compagnie O. Chalifoux & Fils Limitée.
En avril 1911, une fusion s’effectue entre O.Chalifoux & Fils Ltée et Augustin & Daudelin. Il est décidé que pendant le nécessaire à une construction, les deux compagnies opéreraient séparément.
On construit sur le boulevard Laframboise un édifice à deux étages et aussitôt les travaux terminés, chacun quitte ses anciens locaux, et y aménage tous les appareils nécessaires aux opérations régulières. Monsieur Louis Augustin prend alors la direction de cette nouvelle compagnie.
Augustin & Daudelin
Louis Augustin naquit à Lyon en France, en 1862. Il vint s’établir à Berthierville à l’âge de 20 ans, où il épousa mademoiselle Louise Gravel. Deux enfants sont nés de ce mariage. Il partit de Berthier pour aller travailler à Newark, N.J. pour y faire l’apprentissage comme technicien en mécanique, pendant une dizaine d’années. Il s’établit définitivement à Saint-Hyacinthe en 1900, où il fonde l’usine Augustin & Daudelin.
Louis Daudelin vit le jour à Saint-Pie-de-Bagot en septembre 1872. En 1889 il débute comme ébéniste chez L.P. Morin et y restera jusqu’en 1900, date à laquelle il s’associe à Louis Augustin, pour fonder la compagnie Augustin & Daudelin, mécaniciens.
Ils sont tous deux inventeurs, et deviennent fabricants de machines à poser les crochets pour les manufacturiers de chaussures. Ces machines jouissent d’une très bonne vogue sur le marché canadien. Leur établissement fournit de l’emploi a plusieurs ouvriers de la ville, qui en ont bien besoin. Ils reçoivent des commandes de toutes les parties du Dominion. La spécialité dans laquelle ils excellent, est celle des modèles pour les inventions. Ce genre de travail est très délicat, il faut développer un grand savoir-faire et beaucoup d’habileté en mécanique technique et pratique, pour attirer les clients. MM. Augustin et Daudelin remportent de beaux succès dans cette spécialité.
Après onze ans d’excellent travail, en avril 1911, un fusion s’effectue entre Augustin & Daudelin et O.Chalifoux & Fils. Pendant un certain temps les deux industries fonctionnent séparément. Ils achètent un terrain appartenant à monsieur Télesphore-Damien Bouchard sur le boulevard Laframboise et lorsque la construction est terminée, la fusion se complète et l’industrie est connue maintenant sous l’appellation de O.Chalifoux & Fils Ltée, et par le fait même, Augustin & Daudelin n’existe plus.
Pendant 15 ans, la nouvelle entreprise continue à fabriquer des machines à battre le grain, à scier le bois, à presser le foin et des engins stationnaires à gazoline. Leur réputation est enviée par nombre de ses concurrents. Toutefois durant la guerre de 1914-1918, la pénurie de main-d’œuvre oblige l’entreprise à fermer temporairement ses portes en 1917.
Quant à l’usine Chalifoux de la rue de La Bruyère elle est vendue aux Sœurs Saint-Joseph, de la rue Raymond, qui l’utilisent comme dépendance de leur grande maison, grâce à une passerelle. Après avoir servi pendant plus de 80 ans, elle est démolie à l’automne 2002, pour faire place à un stationnement privé.
En février 1926, O. Chalifoux & Fils Ltée, prend le contrôle et la direction de la Compagnie F.X. Bertrand, de la rue Sainte-Anne.
F. X. Bertrand
En 1873, F.X. Bertrand, machiniste de Saint-Hyacinthe installe sa boutique sur la rue Saint-Joseph, entre la rue Cascades et la rivière Yamaska, pour y fabriquer des machineries agricoles. Il utilise, pour ce faire, un pouvoir d’eau mis à sa disposition. Huit ans plus tard, en octobre 1881, il équipe sa grande et belle boutique de nouveaux arbres de couches plus puissants, ce qui lui permet de développer toute l’énergie nécessaire pour activer ses nouvelles machines-outils.
Bertrand fabrique spécialement pour les fromageries, des boîtes et des vis de presse de toutes gravures, pour répondre à une grande demande. Sa boutique fournit de l’emploi à plusieurs ouvriers. Parmi ceux-là, en mars 1898, A. Duplessis, mécanicien chez monsieur Bertrand, expérimente une nouvelle machine, qu’il a inventée avec monsieur Bertrand. Il s’agit d’une machine pour découper et river les chevilles de chaussures. Après bien des ajustements, la nouvelle invention fonctionne à merveille. Des brevets sont aussitôt demandés et rapidement confirmés, tant au Canada qu’aux États-Unis, car on pense que cette machine va révolutionner l’industrie de la chaussure.
À compter de décembre 1901, F.X. Bertrand machiniste, devient La Compagnie F.X. Bertrand et les premiers directeurs en poste sont F.X. Bertrand, président; Noé Dussault, comptable; Évariste Berthiaume, mécanicien; Joseph de La Broquerie Taché, notaire; Cyprien Désautels, notaire, tous de Saint-Hyacinthe. Le fonds social a été fixé à 48 000$ divisé en 960 actions de 50$ chacune.
Deux ans plus tard, en mai 1903, lors du grand incendie qui frappe le centre-ville, M. Bertrand voit sa fabrique réduite en cendres. Il décide de reconstruire, mais dans la nouvelle partie de la ville, tout près de la voie ferrée.
Il achète un terrain de 500 pieds de long par 235 de large, entre le Grand Tronc et la rue Sainte-Anne, sur lequel il construit une grande bâtisse en forme de « L » pour y loger les bureaux, l’atelier des mécaniciens, la forge et la chaudronnerie. La superficie totale de ces installations atteint 20 000 pi. ca., ce qui est presque le double de l’espace de son ancienne usine. Les opérations débutent en décembre 1903.
Cette industrie développée pas à pas par monsieur Bertrand, s’est créé une clientèle de premier ordre, par la réputation de ses produits et l’excellence de leurs fabrications. En 1904, la compagnie est composée de messieurs F.X. Bertrand, président; J. de L. Taché, vice-président; N.P. Dussault, sec-trésorier; E. Berthiaume, surveillant des ateliers.
En 1905, débute la fabrication de chaudières à vapeur, de toutes dimensions, d’engins à vapeur, de moteurs à eau (turbines), de pompes, de bornes-fontaines et de tous les accessoires nécessaires à l’usage de ces produits. Le fonds social atteint maintenant 148 000$ divisé en 2950 actions de 50$ & 100$.
La pénurie de main-d’œuvre en 1917, oblige la compagnie à fermer ses portes temporairement et en novembre de la même année, J.N. Dussault, vend à Évariste Berthiaume, président, 23 000$ sur les 25 000$ de parts qu’il possédait. Quelques mois plus tard, monsieur Dussault quitte la compagnie. En 1924, la Compagnie Bertrand est complètement réorganisée afin d’augmenter sa capacité de production. Pour ce faire, on agrandit l’établissement ce qui nécessite une nouvelle émission d’obligations au taux de 6 1/2 %. Aussitôt le remaniement terminé, on embauche 100 ouvriers de plus.
Le 23 février 1926, La Maison O. Chalifoux & Fils prend le contrôle et la direction de la Compagnie F.X. Bertrand. Après avoir fait les rénovations nécessaires à l’usine Bertrand, les bureaux y sont transportés en mai, et 75 hommes de plus sont embauchés. Monsieur Louis Augustin demeure président de la compagnie, avec son fils Alfred et son gendre, Wilfrid Girouard, comme directeurs.
En 1933, on ajoute à la production déjà en place, la fabrication de grues mécaniques, d’élévateurs à grains, d’engins à gazoline, de machines à pivoter le bois et de foyers mécaniques. À partir de cette année, la compagnie prend le nom Volcano Limitée.
Monsieur Louis Augustin se retire de la présidence en février 1954, pour cause de maladie. C’est alors son gendre, Wilfrid Girouard qui lui succède. L’année suivante en mai 1955, âgé de 92 ans Louis Augustin décède, après une vie bien remplie.
Le 9 octobre 1963, la Société Générale de Financement du Québec, devient actionnaire majoritaire de Volcano Ltée. Cette Société verra à faire progresser la compagnie jusqu’en 1984. En cette année-là, le gouvernement québécois décide de se départir de cette industrie, en faveur des trois dirigeants de l’époque.