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Auteur: Paul Foisy
La partie d’exhibition mettant en vedette les Canadiens lors de l’inauguration officielle du Stade municipal en février 1939 rapporte des dividendes pour la communauté maskoutaine. Au cours de l’été 1940, les dirigeants du Canadien viennent faire un tour à Saint-Hyacinthe pour visiter l’aréna. Impressionné par ces installations modernes, Tommy P. Gorman, le nouveau directeur général du CH, amorce des négociations avec la Ville de Saint-Hyacinthe pour disposer de l’aréna au mois d’octobre.
Dans une lettre datée du 5 juin, adressée à René Richer, directeur des services municipaux, Gorman écrit que si le Canadien décidait de s’entraîner à Saint-Hyacinthe, l’organisation aurait besoin de l’aréna de 9 h à 17 h tous les jours à compter du 7 octobre jusqu’à la première semaine de novembre. Pour supporter les coûts de location, il propose le partage à 50 % des recettes provenant de quatre parties d’exhibition.
Mais la Ville de Saint-Hyacinthe ne veut pas entendre parler d’un partage des recettes de parties d’exhibition. La malheureuse fin de la saison 1939-1940 des Gaulois de la Ligue provinciale et la dette accumulée de plus de 3000 $ par les premiers propriétaires des Gaulois amènent les dirigeants de la Ville à proposer au Canadien la location de l’aréna pour un montant de 1200 $ plus une proportion de 25 % des revenus réalisés lors des parties d’exhibition. Cette proposition est finalement acceptée quelques jours avant l’ouverture du camp.
Au début du mois de septembre, alors que les négociations progressent, un commentateur sportif à la radio montréalaise annonce que le Canadien de Montréal tiendrait son camp d’entraînement à Saint-Hyacinthe. Toujours à l’affût, le rédacteur sportif du Courrier veut en savoir davantage sur cette rumeur. Du côté de l’Hôtel de Ville, c’est le silence total.
Deux semaines plus tard, Tommy Gorman vient à Saint-Hyacinthe pour confirmer le tout. Le rédacteur du Courrier commente la nouvelle : « Cela fait plaisir aux sportsmen de Maska, puisque tous les porte-couleurs de la fameuse équipe montréalaise seront vus des yeux à l’entraînement. Jamais pareille chose ne s’est produite; d’ailleurs, le stade n’est construit que depuis deux ans, et ce n’est que depuis l’hiver dernier que les machines pouvant donner de la glace artificielle sont installées. »
Vent de renouveau au sein du CH
Au seuil de la saison 1940-1941, le CH répond aux demandes des amateurs et des journalistes et il apporte des changements importants afin d’entreprendre la reconstruction du club montréalais. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’après la disparition des « Maroons » de Montréal en 1938, cinq joueurs anglophones de la défunte équipe rallient les rangs du Canadien en plus du directeur général Tommy P. Gorman. À l’époque, le CH perd de plus en plus son identité canadienne-française. De plus, après deux conquêtes de la coupe Stanley au début des années 1930 et après le décès du célèbre Howie Morentz en 1937, le CH connaît deux saisons misérables. Quelques mesures amènent un vent de renouveau.
D’abord, Gorman embauche l’entraîneur Richard « Dick » Irvin qui a connu du succès à Toronto avec deux championnats et une coupe Stanley en 1931-1932. Plusieurs se souviendront de ce personnage exigeant dépeint dans le film « Maurice Richard » réalisé par Charles Binamé en 2005. Ensuite, le CH prend un virage jeunesse en permettant à plusieurs joueurs amateurs de se faire valoir lors du camp d’entraînement. D’ailleurs, le camp de Saint-Hyacinthe accueille les joueurs du Canadien et ceux de son club-école les « Eagles » de New-Haven.
Un vrai camp de travail!
Au début octobre, Bill O’Brien, le préposé à l’équipement du CH, arrive avec un camion chargé de tout le matériel nécessaire pour accueillir une soixantaine de joueurs : « La glace est magnifique et les accommodations telles les douches, salles, etc., sont on ne peut plus satisfaisantes » déclare O’Brien. Dans les journaux, les manchettes concernant le Canadien proviennent de Saint-Hyacinthe. Par exemple, voyons celle-ci publiée dans La Patrie du 12 octobre 1940 : « Saint-Hyacinthe, 11. Le hockey règne en maître ici depuis que le Canadien de Montréal a commencé son entraînement en vue de se préparer à la prochaine saison de la ligue Nationale. Actuellement, environ 35 joueurs sont à l’œuvre, espérant se trouver un « emploi » avec le Canadien ou avec le New-Haven. »
Après l’arrivée des jeunes recrues telles Elmer Lach, Ken Reardon et John Quilty, les joueurs plus expérimentés se présentent à leur tour. Retardé par son travail, Émile « Butch » Bouchard, des Maples Leafs de Verdun, prend la direction de Saint-Hyacinthe le 12 octobre. Certains affirment qu’il aurait fait le trajet à bicyclette! Le lendemain, c’est la venue des joueurs réguliers, dont Toe Blake, Georges Mantha et Louis Trudel.
Tous les joueurs du Canadien logent au Grand Hôtel situé sur la rue Girouard, en face de l’Hôtel de Ville. Ceux du New-Haven occupent des chambres à l’Hôtel Ottawa près du marché-centre, sur la rue Saint-Antoine.
L’entraîneur Dick Irwin exige une discipline rigoureuse et il met en place un horaire bien structuré : lever des joueurs à 7 h, puis déjeuner une heure plus tard. À 9 h 30, le capitaine Jean Berthiaume, instructeur de conditionnement physique au camp militaire de Saint-Hyacinthe, dirige une période de conditionnement physique d’une heure tenue à l’extérieur de l’aréna. Puis, le reste de l’avant-midi est consacré au patinage, à l’étude des tactiques ou à des parties de baseball ou de balle-molle. Après un repas léger à 12 h 30, les joueurs se présentent à l’aréna à 14 h. Trente minutes plus tard, ils sautent sur la glace. En plus de l’entraînement propre au jeu, les athlètes exécutent des exercices de maniement de la rondelle en contournant des barils ou en sautant par-dessus de petits chevalets sous les yeux attentifs du « coach ». Après deux heures d’entraînement assidu, les joueurs peuvent se détendre jusqu’au souper d’équipe qui se tient à 18 h. En soirée, les athlètes vont au cinéma, jouent au bridge ou au rummy. Les jeux de hasard et à l’argent sont proscrits, tout comme le tabac et l’alcool qui demeurent interdits dans les chambres d’hôtel et à l’aréna. Finalement, les lumières s’éteignent à 23 h.
Sur la glace
Lors du camp d’entraînement, le CH affronte le New-Haven à deux reprises à Saint-Hyacinthe. Dimanche le 21 octobre, plus de cinq cents Montréalais font le trajet pour assister à la rencontre. Alors que cette première partie attire 3000 personnes, la deuxième joute se déroule quelques jours plus tard devant une maigre assistance de 700 spectateurs.
À la fin octobre, plusieurs observateurs saluent le virage jeunesse effectué par le Canadien. Horace Lavigne, le rédacteur en chef des pages sportives de La Patrie, émet un commentaire élogieux sur la présence du CH à Saint-Hyacinthe : « Entrainé (sic) dans un centre aussi canadien-français que Saint-Hyacinthe, l’équipe métropolitaine a subi dès les premières pratiques l’ambiance chaude et vivifiante, qui s’est manifestée par un accueil très cordial de la part de la population maskoutaine, avide de voir les « pros », c’est-à-dire les géants du jeu national. Cette influence, imprégnée de sympathie et de cordialité, sera peut-être un élément de tonification plus important qu’on ne saurait l’imaginer. »
Au mois de décembre, alors que la saison bat son plein, les dirigeants du Canadien témoignent de leur satisfaction à l’égard du directeur de l’aréna en lui faisant cadeau de 25 $. Une prime de 10 $ est également accordée aux assistants pour leur dévouement au Tricolore.
De retour à Saint-Hyacinthe
Au mois de mars 1941, à quelques semaines de la fin de la saison, Irvin ramène son équipe à Saint-Hyacinthe pour une semaine afin de regrouper ses joueurs. Malheureusement, ses efforts ne portent pas fruit et le CH rate les séries éliminatoires en terminant en sixième position au classement de la ligue.
L’histoire se répète pour la saison 1941-1942. L’équipe montréalaise tient son camp d’entraînement à Saint-Hyacinthe. La saison n’est guère plus reluisante que la précédente, mais le CH met en place de nouveaux éléments et poursuit sa reconstruction. Par exemple, Émile Bouchard se joint à l’équipe alors que le capitaine Toe Blake termine au sixième rang des marqueurs.
À l’automne 1942, le Canadien demeure à Montréal pour son camp d’entraînement. La guerre fait rage et certains joueurs du Canadien doivent travailler dans les usines d’armement. Une nouvelle recrue fait son apparition avec le tricolore. En effet, le jeune Maurice Richard débute sa carrière avec le grand club. Les Maskoutains, quant à eux, auront la chance de voir de près la fameuse « Punch Line » formée de Toe Blake, Elmer Lach et Maurice Richard en 1946 et en 1948 alors que le Canadien reviendra à Saint-Hyacinthe pour y tenir son camp d’entraînement.