Articles parus dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe les 25 octobre, 25 novembre et 6 décembre 2018
Catégorie: Loisirs
Sous-Catégorie: Sports
Auteur: Paul Foisy
Aujourd’hui, les moyens de transport sont multiples afin de permettre à la population de voyager et de se divertir. Pour les Maskoutains du XIXe siècle, les moyens étaient somme toute assez limités et les distances paraissaient beaucoup plus longues qu’aujourd’hui.
Le 27 décembre 1848, « deux cents personnes prennent part au voyage inaugural du chemin de fer du Saint-Laurent et de l’Atlantique » qui va de Longueuil à Saint-Hyacinthe. En plus d’être la première excursion en train dont la destination est Saint-Hyacinthe, il faut souligner en caractère gras cette date importante. L’arrivée de ce premier train demeure une étape cruciale pour notre ville, car dans son sillage ce train amène la modernité.
Les premières excursions
Au cours du mois de mars 1849, « le chemin de fer du Saint-Laurent et de l’Atlantique annonce deux départs par jour vers Longueuil. » Si les Maskoutains peuvent désormais se rendre vers Montréal plus rapidement, l’inverse est également vrai. Le 11 juillet 1850, le journal La Minerve publie une annonce qui informe ses lecteurs qu’il y aura un « Voyage de Plaisir à Saint-Hyacinthe par le chemin de fer, dimanche prochain ». L’année suivante, il semble que des voyages du genre soient plus fréquents tel que l’affirme une publicité parue dans La Minerve du 23 août 1851 : « Un grand nombre de personnes de la plus haute respectabilité ayant patronisé les voyages de plaisir à St.Hyacinthe, des arrangements ont été faits pour une ou deux autres excursions avant la clôture de la saison. »
Mais pour quelles raisons, les villégiateurs viennent-ils se divertir dans notre ville ? Dans un premier temps, il faut savoir qu’à cette époque, une piste de chevaux d’un mille est aménagée sur les terrains où se déroule aujourd’hui l’exposition agricole. Cette piste connue sous le nom d’hippodrome Laframboise, de rond Laframboise et de parc Laframboise, amène un certain lot de visiteurs, tant pour les courses de chevaux que pour d’autres activités de plein air.
En plus de cette infrastructure importante, il semble que les Maskoutains soient très accueillants, ce qui contribue à faire de Saint-Hyacinthe une destination touristique. Par exemple, le 23 août 1853, le journal La Minerve résume les activités d’un pique-nique des pompiers de Montréal tenu à Saint-Hyacinthe. On apprend que leurs confrères de Saint-Hyacinthe les attendent à la gare dès 8 heures le matin pour les accueillir. Après cet accueil fraternel, les deux groupes paradent dans les rues de la ville. Puis, les pompiers de Montréal font un exercice avec une pompe qu’ils ont apporté pour l’occasion. Par la suite, le maire Louis-Antoine Dessaulles offre des rafraichissements. À deux heures en après-midi, environ deux cents personnes participent à un grand dîner où on lève les verres à plusieurs reprises. Finalement, c’est le retour à Montréal. Voilà un témoignage qui en dit long sur l’hospitalité des Maskoutains de cette époque.
Destination Saint-Hyacinthe
Au XIXe siècle, ces voyages organisés sont fréquents et permettent de souder des liens entre des travailleurs ou des membres de diverses associations. À plusieurs reprises, Saint-Hyacinthe est choisi comme destination afin que les voyageurs profitent de ses attraits.
Ainsi, le 12 août 1886, les épiciers de Montréal tiennent leur pique-nique annuel sur le rond de course à Saint-Hyacinthe. Un article de La Presse du 13 août 1886 aborde l’événement : « Environ 2000 personnes sont parties de la gare Bonaventure pour participer aux divers amusements. Parmi les différentes courses, celle à bicyclette sur une distance de trois milles a été la plus intéressante ». Afin de prolonger le plaisir, on offre de nombreux prix aux gagnants et participants qui retournent gaiement à Montréal après une belle journée de plein air.
Au cours des années suivantes, d’autres pique-niques sont organisés à Saint-Hyacinthe. Mentionnons les boulangers, en 1887 ; les typographes en 1890 ; les employés de la compagnie de chemin de fer de Drummondville en 1892 et les cordonniers de Montréal, en 1899.
Pique-nique politique à Saint-Hyacinthe
Le 16 juin 1887, la communauté de Saint-Hyacinthe est l’hôte d’un grand pique-nique politique en l’honneur du premier ministre Honoré Mercier qui est également député de Saint-Hyacinthe. De nos jours, il pourrait sembler normal que des festivités en hommage à un premier ministre se déroulent dans un grand centre qui n’est pas nécessairement lié à la circonscription électorale où il est élu. Cependant, en 1887, c’est une tout autre histoire. Après avoir songé à Montréal et à Mont-Saint-Hilaire, c’est finalement à Saint-Hyacinthe que se tient le pique-nique politique. « La Minerve prétend que la crainte d’un fiasco nous a fait choisir St-Hyacinthe, nous n’avons qu’un mot à répondre à cela : c’est, tout au contraire, la certitude du succès qui nous a fait choisir un point passablement éloigné de Montréal, sachant qu’il y aurait toujours assez de dévouement et de patriotisme chez nos amis pour s’imposer la fatigue d’un déplacement supplémentaire. En dépit de la distance, nous avons voulu rendre justice au comté qui a élu le premier ministre et c’est pourquoi nous avons choisi Saint-Hyacinthe », note La Patrie du 28 mai 1887.
Pour cette occasion spéciale, des trains de la compagnie ferroviaire Grand Tronc proviennent de Montréal, de Québec et de Trois-Rivières. La compagnie de la South Eastern n’est pas en reste puisque des trains partent de Sorel, Waterloo et de Stanbridge et prennent la direction de Saint-Hyacinthe.
L’événement se déroule par une journée maussade et pluvieuse. Néanmoins, une foule estimée à 5 000 personnes est présente pour « être témoin de la démonstration qui était faite à l’honorable M. Mercier », indique un compte-rendu publié le lendemain dans Le Journal de Québec. La pluie persistante fait en sorte que l’hommage doit se poursuivre à l’intérieur, au Pavillon des patineurs. Le maire Georges-Casimir Dessaulles lit alors l’adresse de félicitations de la Ville de Saint-Hyacinthe envers Honoré Mercier. Tous les ministres et environ 25 députés assistent également à la journée.
Si le discours prononcé par Mercier soulève l’enthousiasme du rédacteur du journal L’Électeur qui affirme qu’il « a parlé en véritable homme d’état, et s’est montré de nouveau digne de commander au grand parti national, qui appelle à lui tous les citoyens qui veulent le bien du pays », la réaction du journal Le Courrier de Saint-Hyacinthe du 18 juin 1887 est tout autre : « malgré les effets des clairons et tambours, on s’attendait à mieux et l’influence d’une telle démonstration sur le peuple sera nulle ou à peu près. […] [i] l n’y a eu que des paroles banales et sans suite, et des flatteries à l’adresse du premier-Ministre. […] Il y avait beaucoup d’étrangers de Montréal et de Québec, environ 1 500, mais chose assez extraordinaire, le patinoir où se sont fait les discours n’était pas rempli, il y avait du vide. »
Les sportifs en voyage !
« La présence au quotidien des locomotives encourage l’invention de la vitesse, condition essentielle du transport des spectateurs, des joueurs, pour le domaine sportif, mais aussi des touristes », affirme l’historien Laurent Turcot. Ainsi, les courses de chevaux, le premier sport spectacle organisé au Québec, parviennent à se développer grâce à la présence du réseau ferroviaire.
« Parmi les champs de courses qui profitent du chemin de fer, celui de Saint-Hyacinthe apparaît comme étant particulièrement privilégié », note l’historien Donald Guay. Si la ville de Saint-Hyacinthe parvient à attirer des milliers d’amateurs de courses à son hippodrome, c’est qu’elle est bien située géographiquement ce qui facilite les déplacements des spectateurs provenant autant de l’est que de l’ouest du Québec.
Au milieu des années 1870, la population de Saint-Hyacinthe est d’un peu moins de 4000 habitants. Il ne faut pas sous-estimer les effets de l’arrivée de milliers de visiteurs à Saint-Hyacinthe à cette époque. Donald Guay note que « [c]es courses ont un impact considérable sur cette petite ville. Si elles provoquent des “désordres honteux” qui méritent “la censure de tous les vrais amis de la morale publique”, elles apportent la prospérité. Les milliers de touristes qui se rendent à Saint-Hyacinthe durant les jours de courses font le bonheur des marchands et des hôteliers […]. Durant ces jours, la ville est “toute bouleversée et sans- dessous”. Laissons le journaliste du Courrier de Saint-Hyacinthe commenter un événement de courses qui s’est déroulé du 26 au 28 août 1862 : « Les habitants se croyaient transportés au centre de quelque grande ville, en quelque grande circonstance. […] La foule des étrangers a été immense, elle augmentait et se renouvelait presque chaque jour. Son Excellence, le gouverneur général était présent au premier jour. Le lieutenant général sir W. F. Williams y fut tout le temps. La présence de ces hauts personnages n’a pas peu contribué à l’éclat de la fête déjà si brillante. »
Vers la fin du XIXe siècle, les amateurs se déplacent également en train pour assister à des parties de baseball. Par exemple, lorsque le National de Montréal affronte le Granite de Saint-Hyacinthe, le 1er septembre 1895, une grande foule assiste à la rencontre. « Quand le grand jour arrive, près de 5 000 spectateurs se massent sur le terrain du parc Laframboise pour voir le meilleur club de baseball au Québec contre le Granite de Saint-Hyacinthe. Certaines parties des Expos n’attiraient pas autant de personnes ! », indique Patrick Carpentier, l’historien du baseball québécois.
Les Maskoutains se déplacent également pour suivre leur équipe favorite. En 1896, Société Philharmonique organise « une excursion vers Montréal afin de permettre aux amateurs d’assister à la grande joute de base-ball entre le National de Montréal et notre club », indique le rédacteur du Courrier de Saint-Hyacinthe le 4 juillet 1896.
En somme, il faut retenir que la présence du train à Saint-Hyacinthe au XIXe siècle constitue, en quelque sorte, le premier jalon de l’industrie touristique dans notre communauté.