Naissance du village de Saint-Joseph

Le 1er juillet 1861, le conseil de la municipalité de la Paroisse de Saint-Hyacinthe-le-Confesseur dresse le découpage de son territoire en six arrondissements pour les fins d’administration publique. Dans le procès-verbal, on peut lire : « l’arrondissement numéro un comprendra tous les chemins ou rues du village Saint-Joseph ». Il s’agit de la première mention de ce village dans un document officiel. Toutefois, pour bien comprendre le contexte entourant la création de ce noyau villageois, il faut remonter quelques années en arrière.

À l’époque du « pont volant »

Avec la création des paroisses religieuses dans la première moitié du XIXe siècle sur le territoire de la Seigneurie de Saint-Hyacinthe, des agglomérations d’habitations sont apparues autour des églises paroissiales. Cependant, d’autres motifs ont présidé à la formation de groupes de résidences. À Saint-Joseph, il semble que ce soit la présence d’un pont installé sur la rivière Yamaska qui permet la communication entre le « Village de la Cascade » et les fermes implantées du côté sud de la rivière. À ce sujet, Monseigneur C.P. Choquette rapporte aux pages 392 et 393 de son ouvrage Histoire de la Ville de Saint-Hyacinthe de 1930 :

« La tradition conserve le souvenir d’un pont volant construit à Saint-Hyacinthe vers 1812, par M. Jean Germain dit Patin-Germain, père, je pense, de nos estimés contemporains MM. Johnny et Noël Germain. La loi exemptait du service militaire le propriétaire d’un pont ou d’un bac-passeur. Le pont de M. Germain, bâti sur chevalets, occupait à peu près la place du pont actuel de la rue Concorde. Les chevalets mis en place après les grandes eaux du printemps étaient enlevés à l’approche de l’hiver. Le pont fixe, paraissant sur une gravure de Saint-Hyacinthe datée de 1826 et que l’on voit sur une vignette de ce volume, fut probablement l’œuvre  du même M. Germain qui, dans l’acte de mariage de sa fille, en 1822, est qualifié « menuisier, constructeur et propriétaire du premier pont jeté sur l’Yamaska ». En 1837, l’unique pont de Saint-Hyacinthe était connu sous le nom de pont L’Hérault ou L’Heureux et appartenait à M. Charles L’Heureux qui fut mêlé, vers 1850, à toutes les transactions concernant les terrains de la rive sud depuis La Providence jusqu’à Saint-Joseph ».

Dans la première moitié du XIXe siècle, il était rarement question de former des corporations municipales pour l’administration d’une agglomération de bâtiments. En 1840, Lord Durham avait proposé de créer des organisations municipales élues par « les habitants tenant maison » avec des pouvoirs de règlementation pour la construction, l’amélioration et la surveillance des chemins, des ponts, pour l’établissement d’enclos publics pour le pacage du bétail, pour déterminer la suffisance de toutes clôtures, pour soutenir les personnes pauvres. Cette recommandation de confier au peuple le contrôle de ses affaires locales était accompagnée d’un pouvoir de taxation qui faisait peur à tout le monde : la première réaction fut de percevoir la municipalité comme « une machine à taxer » que leur imposait le conquérant. Il faut dire que cette structure d’inspiration britannique était vue d’un œil soupçonneux par les Canadiens qui étaient d’avis qu’il s’agissait d’un moyen de les asservir à la Reine d’Angleterre. À cette époque, l’autorité locale était limitée à la présence d’un capitaine de milice qui, auprès des habitants, exerçait des charges de la nature de celles des actuels inspecteurs municipaux. Ce fonctionnaire devait aussi assister le grand voyer pour obliger les habitants à fournir des journées de corvée aux fins d’entretenir les chemins et de construire des ponts. La seule organisation locale où le peuple possède une voix étaient les fabriques qui pourvoient à l’entretien et aux réparations des églises catholiques.

Le découpage du territoire en municipalités

Avec le passage du temps, les mentalités ont changé et la méfiance s’est estompée. La première municipalité maskoutaine apparait le 1er juillet 1845, sous le nom de Paroisse de Saint-Hyacinthe dont le périmètre épousait celui de la paroisse religieuse du même nom. Cette première municipalité a été abolie comme les autres par la loi de 1847, mais elle fut rétablie par la loi du 1er juillet 1855 selon le territoire de 1845, mais amputée de celui du Village de Saint-Hyacinthe mesurant, suivant la proclamation du 6 octobre 1849, environ 30 arpents à partir de la rivière, vers le nord, et compris entre l’avenue Bourdages et la limite est du terrain du Séminaire. Après la création du diocèse de Saint-Hyacinthe en 1852, le nom primitif de Paroisse de Saint-Hyacinthe avait été modifié en ajoutant « Notre-Dame-de.. » pour la distinguer de la paroisse-évêché de Saint-Hyacinthe-le-Confesseur. Le 18 mai 1861, un premier démembrement était effectué pour créer la municipalité de la Paroisse de Saint-Hyacinthe-le-Confesseur. Ce territoire était « borné comme suit : vers le nord-ouest, par le cordon des terres de la première concession au nord de la Rivière Yamaska; vers le sud-est, par la paroisse de Sainte-Rosalie; vers le sud-ouest partie par la terre d’Octave Maurice et partie par la ligne sud-ouest de la ville de Saint-Hyacinthe; vers le nord-est partie par la paroisse de Sainte-Rosalie et partie par le domaine de Madame veuve Roch de Saint-Ours ».

Plan de Saint-Hyacinthe-le-Confesseur et du village de Saint-Joseph, 1880. Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe. Collection CH478 Société d’histoire régionale de Saint-Hyacinthe

L’érection du Village de Saint-Joseph
En vertu du Code municipal adopté par la législature du Québec en 1871, il devenait possible de former une « municipalité de village » pour un groupe d’habitations faisant partie d’une municipalité de paroisse ou de canton. Les conditions de formation étaient énoncées dans l’article 51 et exigeaient, , notamment, la présence « d’au moins quarante maisons habitées, dans une étendue n’excédant pas soixante arpents en superficie ». Parmi les formalités, une requête signée par les deux-tiers des électeurs municipaux devait être présentée au conseil de comté et un plan et une description technique devaient être préparés par un arpenteur-géomètre pour illustrer et décrire le territoire envisagé par les requérants.

Le 6 avril 1898, l’arpenteur-géomètre Théodore Beauchamp présente un « Plan du territoire dont l’érection en municipalité de village est demandée » dans lequel on peut reconnaître la présence de 45 maisons à l’intérieur d’un espace d’environ 45 arpents. En vertu d’une proclamation du 26 septembre 1898, l’érection de la municipalité du Village de Saint-Joseph d’une superficie totale de 287 arpents et 12 perches était complétée par le détachement de ce territoire de celui de la municipalité de la paroisse de Saint-Hyacinthe-le-Confesseur :

« Tout le territoire borné comme suit : vers l’ouest par le milieu de la rivière Yamaska; vers le nord-ouest, par le chemin de fer du Grand Tronc; au nord-est par la ligne de division des lots 191 et 192 et des lots nos. 319 et 320 du cadastre officiel de la paroisse de Saint-Hyacinthe-le-Confesseur; au sud-est, par le milieu du chemin public du rang Sainte-Marie-Anne et par une ligne droite partant de l’intersection dudit chemin avec le chemin de raccourci et se rendant à l’angle sud-est du lot no. 151 et, de là, par le côté sud-est du lot no. 151, et des lots nos. 154 et 153 du dit cadastre; au sud-ouest par la ligne de division des paroisses de Saint-Hyacinthe-le-Confesseur et de Saint-Hyacinthe, prolongée jusqu’au milieu de la rivière Yamaska. Détachée de la municipalité de Saint-Hyacinthe-le-Confesseur »

Un premier conseil municipal
Le 7 novembre 1898, sous la présidence de Joseph Perrault, bourgeois, nommé à ce poste par le préfet du comté de Saint-Hyacinthe, Raphaël-Ernest Fontaine, avocat, avait lieu la première réunion des électeurs propriétaires dans la manufacture de vinaigre de J.A. Dubuc située sur la rue Broadway (aujourd’hui Concorde Sud entre les actuelles rues Saint-Pierre et Brunette Est). On y élit les conseillers : Raphaël-Ernest Fontaine, avocat, François Renaud, menuisier, Moïse Lapierre, cultivateur, Joseph Tremblay, cultivateur, Louis Rivet, menuisier, Ubald Dansereau, bourgeois, et Charles Saint-Pierre, boucher.

À la réunion suivante, le 21 novembre 1898, les conseillers élisent Joseph Tremblay, cultivateur, comme premier maire de la municipalité et J.P. Bazinet, notaire, était engagé comme secrétaire pro tempore. Au cours des semaines suivantes, démissions et nominations se sont succédées :  Frédéric Borduas, manufacturier de rouets, a été nommé conseiller en remplacement de R.-E. Fontaine et Avila Perreault, agent de chemin de fer, a été nommé pour remplacer Joseph Tremblay. À l’élection du 9 janvier 1899, l’avocat R.-E. Fontaine revient au conseil pour remplacer François Renaud et Alexis Pichette, cultivateur, est élu pour remplacer Moïse Lapierre. Finalement, l’avocat R.E. Fontaine est élu maire le 6 février 1899.

D’après les articles de Grégoire Girard parus dans le Courrier de Saint-Hyacinthe les 4, 11 et 18 novembre 2010.

La suite de l’histoire est présentée dans Les premières décisions du conseil municipal de Saint-Joseph (un article de Grégoire Girard).

Partagez cette histoire