Articles parus dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe les 24 et 31 décembre 2015
Catégorie: Temps des Fêtes
Sous-catégorie: Noël
Auteur: Paul Foisy
Le personnage du Père Noël
Si la fête de Noël apporte son lot de traditions et de coutumes, il faut noter que le personnage du Père Noël est possiblement un des éléments les plus forts de l’allégorie entourant les célébrations de fin d’année. Laissons le sociologue Jean-Philippe Warren nous entretenir du joyeux personnage : « Arrivé au Québec vers 1880 sous le nom de Santa Claus, le bonhomme ventru à la longue barbe argentée subira les foudres des autorités catholiques – qui le considèrent trop protestant —, des ligueurs nationalistes canadiens-français – qui le trouvent trop anglais – et des partisans impérialistes – qui, durant la Première Guerre mondiale, jugent ce personnage teuton traître à la patrie. Il sera donc rebaptisé, au début du siècle, du nom bien français de père Noël, non sans avoir flirté pendant un certain temps avec les surnoms de saint Nicolas, de Kris Kringle, de petit Noël et de bonhomme Noël ».
À Saint-Hyacinthe, on aperçoit son image dans les journaux maskoutains aux débuts des années 1930. Par exemple, le 22 décembre 1933, le journal Le Clairon publie une annonce de la compagnie Southern Canada Power qui proclame « Donnez un appareil électrique ». Cette publicité est illustrée d’une toute petite image du Père Noël qui fait un signe de la main. C’est la seule illustration du Père Noël que nous avons retrouvé dans cette édition du Clairon. Cinq ans plus tard, le 16 décembre 1938, Le Clairon publie au centre de sa page une, un dessin du visage du Père Noël qui couvre près un quart de page.
C’est en décembre 1947 que le joufflu personnage apparait en public pour la première fois à Saint-Hyacinthe. Une publicité de la quincaillerie A. Blondin Limitée, publiée dans le journal Le Clairon du 5 décembre 1947, nous apprend que le Père Noël arrivera à Saint-Hyacinthe, par train, le vendredi 12 décembre, et qu’il débarquera à la gare du Canadien National à 6 h 50. Par la suite, il sera présent au magasin tous les jours jusqu’à Noël.
Lors des deux années suivantes, en 1948 et 1949, le Père Noël est accueilli de la même façon et il s’installe pour quelques semaines « dans sa ville de jouets », située au troisième étage de A. Blondin Ltée au 1312 des Cascades où se trouve actuellement la seule épicerie du centre-ville. En 1949, les enfants qui veulent rencontrer le Père Noël reçoivent tous un cadeau. Preuve que la commercialisation du bonhomme est bien entamée, il leur faudra d’abord débourser la somme de 10, 25 ou même de 50 sous pour accéder au royaume.
En 1950, la Chambre de Commerce de Saint-Hyacinthe prend les choses en main. Soucieuse du succès de ses membres et voulant augmenter de façon significative « l’achat local » au cours de la période des fêtes, la Chambre met en place une série d’actions regroupées sous le nom de «Festival du Commerce».
Le procès verbal d’une assemblée régulière du comité de la Chambre de commerce, tenue le 20 novembre 1950, aborde une partie de l’implication de la Chambre au sujet du Festival du Commerce : « Il est proposé par Monsieur Roger Leblond, secondé par Monsieur Jules Laframboise que la Chambre de Commerce de St-Hyacinthe fournira la somme de $225.00 devant servir de prix à l’occasion du Festival du Commerce à Saint-Hyacinthe. Les prix devant être divisés comme suit : Un premier prix de $100.00; un second prix de $50.00; un troisième prix de $25.00 et dix prix de $5.00 chacun. Ces prix seront distribués à l’occasion du concours de l’Arbre de Noel (sic) que la Chambre de Commerce érigera et payera…»
Cette courte citation contient nombre d’informations qui méritent quelques explications. D’abord, puisqu’aucune autre organisation ne regroupe les marchands du centre-ville, comme le fut autrefois la Plaza maskoutaine, la SIDAC et aujourd’hui la SDC centre-ville Saint-Hyacinthe, la Chambre de commerce organise cet évènement rassembleur. Ainsi, le premier Festival du Commerce qui se déroule du 7 au 29 décembre 1950 vise à créer une atmosphère festive à Saint-Hyacinthe pour la période des fêtes. Avec la collaboration de la Ville de Saint-Hyacinthe, on installe des lumières au centre-ville : « Le centre commercial s’illuminera de milliers de lumières multicolores : la place du marché, les rues des Cascades, Saint-Simon, Saint-François, Mondor et autres », souligne l’auteur d’un article dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe le 24 novembre 1950.
En plus de l’illumination des rues, on installe des haut-parleurs en plein air pour diffuser des airs de Noël. Ce qui parait simple aujourd’hui, impressionne le rédacteur du Clairon du 8 décembre 1950 : « Qu’il nous soit permis de rappeler, pour terminer, que ce même système de hauts-parleurs (sic) doit fonctionner, d’ici Noël, durant au moins quatre-vingt dix heures, l’équivalent de près de quatre journées entières sans arrêt. »
Pour attirer les clients au centre-ville de Saint-Hyacinthe, la Chambre de commerce organise également un concours dont les prix sont décrits plus hauts. Il s’agit alors de deviner le nombre de lumières installées dans un arbre de Noël géant installé « sur la marquise du marché Centre, face à la rue Saint-Denis. » Cet arbre de 40 pieds de haut, est affublé de 285 lumières multicolores. Fait surprenant, pas moins de 291 personnes devinent le nombre d’ampoules lumineuses et la Chambre doit faire un tirage pour accorder les treize prix offerts. Le gagnant du grand prix? Il s’agit d’un certain monsieur Louis-Nazaire Gingras qui demeurait à La Providence.
Du côté des jeunes
Si la Chambre de commerce senior est active pour rassembler les Maskoutains autour de cet évènement festif et commercial, il ne faut pas sous-estimer l’action de la Chambre de Commerce des Jeunes. Rappelons que deux ans plus tôt, en 1948, ce sont les jeunes qui ont été à l’origine des festivités entourant la célébration du deuxième centenaire de Saint-Hyacinthe.
Deux ans plus tard, Rolland Mercier, président du Comité de l’arbre de Noël, envoie une demande spéciale à la Ville de Saint-Hyacinthe : « Je, sousigné, demande par votre voix au conseil municipal de St-Hyacinthe, s’il serait dans la possibilité, à la Chambre de Commerce des jeunes de St-Hyacinthe Inc. de recevoir un don ou montant d’argent jugé par le dit conseil pour venir en aide au comité de l’arbre de Noël pour les enfants pauvres, lesquels seront au nombre de 300. » L’histoire ne dit pas si la Ville de Saint-Hyacinthe est favorable à la demande. Cependant, le dépouillement de l’arbre de Noël pour les enfants pauvres de Saint-Hyacinthe se déroule à l’Académie Girouard le 24 décembre 1950. On note la présence de la Fée des étoiles et du Père Noël pour distribuer les cadeaux. Ces deux personnages qui prennent enfin vie feront partie du paysage du temps des fêtes pour plusieurs années à venir.
Dès sa deuxième année, en 1951, le Festival du Commerce organise un débat oratoire autour de la question : « Devons-nous ériger un arbre de Noël à l’intérieur ou à l’extérieur du foyer? » Tous les élèves des Commissions scolaires Saint-Hyacinthe, Girouard, La Providence et Saint-Joseph, de la quatrième à la douzième année sont admissibles au concours. Le concours se déroule « dans chaque classe, dans chaque école et, enfin, dans chacun des quatre territoires scolaires », nous informe Le Courrier de Saint-Hyacinthe, du 30 novembre 1951. Les prix rattachés à ce concours sont une montre, une bicyclette, une paire de patins et un ensemble de crayons et plumes.
Comme en 1950, la Chambre de Commerce des Jeunes procède à un dépouillement d’arbre de Noël à l’Académie Girouard en faveur de 300 enfants pauvres et distribue également des paniers de Noël pour 70 familles défavorisées.
Dès sa troisième année, en 1952, le Festival du Commerce contribue à la réputation de Saint-Hyacinthe : « Grâce aux nombreuses illuminations de rue fournies par la Chambre de Commerce, aux joyeux airs des fêtes et aux mélodies d’autrefois diffusées à l’aide de haut-parleurs, la ville de Saint-Hyacinthe prend un aspect qu’on ne trouve pas ailleurs et que les visiteurs remarquent. Des échos en sont venus de partout », souligne le rédacteur du Courrier de Saint-Hyacinthe, le 28 novembre 1952. Afin de stimuler l’achalandage dans les commerces, on procède au tirage d’un poste de télévision, ce qui permettra à une famille de syntoniser la télé de Radio-Canada qui en est à ses débuts en 1952.
L’année 1953 apporte son lot de nouveautés. L’image du Père Noël est utilisée alors qu’on le voit dans un immense traineau installé sur la marquise du marché, face à la rue Saint-Denis. L’inauguration est diffusée lors de l’émission quotidienne L’actualité sur les ondes de Radio-Canada. Pour ajouter à l’ambiance festive de 1953, on fait jouer des airs traditionnels de La Bonne Chanson dans les rues du centre-ville.
En 1954, le Père Noël s’incarne et participe aux activités. Lors de l’inauguration du Festival, réunissant une foule de 2000 personnes au marché, sa présence est plus que désirée alors que « les enfants crient, gesticulent, se faufilent entre les jambes des badauds impressionnés, et attendent avec impatience le grand événement », témoigne le journaliste du Clairon, le 7 décembre 1954. Il poursuit : « Des parents, qui tiennent leurs petits sur leurs épaules jouent des coudes et foncent dans la cohue pour s’emparer des meilleures places. » Puis, le temps du Festival, il se promène en décapotable au centre-ville et il distribue des bons d’achat de 1 $ et 2 $. Au final, le Père Noël offrira plus de 1000 $ en bon d’achat.
Un premier défilé
Bien conscients de la popularité affichée par la population envers le Père Noël en 1954, les dirigeants du Festival s’adressent à la ville de Saint-Hyacinthe qui accepte de remettre 500 $ à l’organisation pour les célébrations de 1955. Pour la première fois, un défilé du Père-Noël est présenté dans les rues de Saint-Hyacinthe. Alors que depuis 1947 le Père Noël arrive en train, à l’invitation du marchand A. Blondin Limitée, en 1955 il fait son arrivée au manège militaire en hélicoptère! Son parrain et son hôte est le marchand Raoul Gaudet qui commandite le char allégorique du Père Noël. Le défilé, composé de cinq autres chars allégoriques rappelant les contes de Cendrillon, du Petit Poucet, du Petit Chaperon rouge, de la mère l’Oie et de la Fée des étoiles, se termine au marché.