Lorsque la famille Rousseau s’installe à Saint-Hyacinthe en 1942, Robert est âgé de deux ans. En grandissant, il se passionne pour le hockey, car ses frères aînés lui servent de modèles. La passion du hockey est telle qu’il rôde autour de l’aréna lorsque le Canadien tient son camp d’entraînement en 1948. Mais en plus de sa ferveur, le jeune Rousseau possède un talent exceptionnel.
À l’âge de 13 ans, il prend part à des parties opposant les meilleurs joueurs de Saint-Hyacinthe à des équipes provenant de villages environnants. Deux ans plus tard, il rejoint ses frères Gilles et Jean qui portent les couleurs des Braves de Saint-Jean de la Ligue métropolitaine, une organisation de catégorie junior. À sa deuxième saison à St-Jean, il marque plus d’une cinquantaine de buts en 44 parties!
Il attire alors l’attention du Canadien qui lui propose un contrat. Cependant, la malheureuse expérience de ses frères Rolland et Guy avec le Tricolore fait en sorte que sa famille lui déconseille fortement d’accepter une telle offre. D’ailleurs, les Red Wings de Détroit se montrent également intéressés à ses services. En 1956, malgré l’avis de ses proches, il appose tout de même sa signature sur le bas d’un contrat qui lui rapporte 1500 $.

Le Canadien l’envoie poursuivre sa formation avec le club-école Hull-Ottawa.
Quatre ans plus tard, alors qu’il porte les couleurs des Canadiens de Brockville, il est invité à joindre les rangs des Dutchmen de Kitchener-Waterloo. À la suite du désistement des champions de la coupe Allan de 1959, on choisit ce club senior pour représenter le Canada aux Jeux olympiques de Squaw Valley en 1960. Puisque les Dutchies ont besoin de renfort pour l’aventure olympique, on recrute d’autres joueurs seniors. Comme Robert Rousseau est classé comme l’un des meilleurs juniors de l’époque, il endosse les couleurs du Canada.
Le 31 janvier, les Dutchies prennent la direction de la Californie en autobus nolisé. Avant de se rendre à Squaw Valley, le site des Jeux olympiques, la formation doit livrer sept parties d’exhibition l’opposant à des équipes de l’Ouest canadien. Dès son arrivée en Californie, Robert Rousseau témoigne de son voyage dans les pages du Clairon: « Ici, tout est de première classe. Nous sommes enfin arrivés à destination jeudi soir vers minuit. J’étais très fatigué, car nous avons voyagé toute la journée, de huit heures du matin et sur ce, neuf heures dans les montagnes. […] Nous entreprenons dès aujourd’hui un entraînement rigoureux. »
Lors du tournoi préliminaire, le Canada remporte trois victoires. Lors de la deuxième partie, Robert Rousseau s’illustre avec quatre buts dans une victoire de 19 à 0 sur le Japon.
Les six pays finalistes de la ronde des médailles doivent jouer cinq parties. Le 22 février, le Canada prend la mesure de l’Allemagne 12 à 0. Deux jours plus tard, une victoire de 4 à 0 face à la Tchécoslovaquie permet au Canada de se hisser au premier rang avec les États-Unis. Ces deux équipes s’affrontent le 25 février dans un stade rempli à craquer. Robert Rousseau commente sa partie : « J’ai été dans la mêlée à cinq reprises dans les deux premières périodes et j’ai eu une couple de chances de compter. Pour ce qui est de la troisième période, j’étais sur le banc et je priais pour que nous gagnions, mais ce fut en vain. » La foule américaine, en liesse, célèbre cette victoire inattendue de 2 à 1. Cette défaite du Canada est suivie par une victoire sur la Suède et sur l’Union Soviétique par la marque de 8 à 5.
Avec quatre victoires et une défaite, le Canada doit se contenter de la médaille d’argent, alors que les Américains, invaincus, remportent l’or. Après l’obtention de la médaille de bronze en 1956, une onde de choc traverse à nouveau le Canada, qui n’est plus la puissance de « l’Univers » en hockey sur glace…

Robert Rousseau revient du pays avec une fiche de cinq buts et quatre passes. Dans l’avion du retour, l’entraîneur Bobby Bauer lui dit qu’il connaîtra une belle carrière chez les professionnels. Encore aujourd’hui, le joueur à la retraite se demande le sens de cette remarque alors qu’il a été cloué sur le banc lors des moments les plus déterminants du tournoi.
Avant même de porter la « Sainte-Flanelle », Robert Rousseau jouit d’une grande popularité auprès des Maskoutains. Pour célébrer son héros, les citoyens de Saint-Hyacinthe organisent une fête en son honneur et le 12 mai 1960 est déclaré la journée Robert Rousseau!
À la saison suivante, celui que l’on surnomme Bobby ou Bob, participe à quinze matchs du Canadien de Montréal. En 1961-1962, il joue sa première saison complète et il mérite alors le trophée Calder, décerné à la meilleure recrue à l’instar de Bernard Geoffrion en 1952 et de Ken Dryden en 1972.
Ses talents de fabricant de jeux et de passeur le maintiennent parmi les favoris des partisans du Canadien. Il réalise son plus grand exploit le 1er février 1964, alors qu’il marque cinq buts contre les Red Wings de Détroit. Au cours de la saison 1965-1966, il est nommé sur la deuxième équipe d’étoiles et il termine au deuxième rang des compteurs avec 78 points, sur un pied d’égalité avec le légendaire Stan Mikita de Chicago. Meilleur marqueur du Canadien en 1966 et 1967, il remporte quatre coupes Stanley (1965, 1966, 1968 et 1969) lors de ses dix saisons avec le Tricolore.

En 1970, il est échangé au Minnesota et l’année suivante, il passe aux Rangers de New York. Au terme de ses quatorze années dans la Ligue nationale, il joue 942 parties, marque 245 buts et réalise plus de 458 passes. À sa retraite du hockey en 1975, il se consacre alors entièrement à une carrière de golfeur professionnel entreprise depuis 1964. En 2007, le Panthéon des sports du Québec l’accueille chaleureusement en son Temple de la renommée. En 2023, la Ville de Saint-Hyacinthe reconnait son importance dans l’histoire du hockey maskoutain en donnant son nom au chalet de service du parc Les Salines qui devient le Pavillon Robert-Rousseau.
Robert Rousseau est décédé le 13 décembre 2025.
Texte: Paul Foisy