Thème : Détresse au rythme des crues

1. Mise en contexte

En premier lieu, posons-nous une question toute simple et qui peut sembler évidente : qu’est-ce qu’une inondation ?  Si la réponse peut nous sembler flagrante, nous tenons à vous partager une citation surprenante qui expose la possible ambigüité du terme: « La Ville de Saint-Hyacinthe n’a plus à craindre l’inondation. […] Dans le bas de la ville, la plupart des caves sont inondées » . Ces lignes contradictoires, que l’on peut lire sur la troisième page du journal Le Courrier de Saint-Hyacinthe, du 10 janvier 1930, nous indique que ce terme peut porter à confusion. Or, soyons clair, dans le cadre de cette exposition nous allons qualifier « d’inondation » chaque moment où l’eau de la rivière quitte son lit, et ce, même si elle ne fait pas particulièrement de dégâts. Voyons maintenant comment cette recherche s’est effectuée.

  • plus-icon La recherche en histoire expliquée par vidéo

    Dans le cadre de mon emploi d’été, l’une de mes tâches a été de créer des petites capsules vidéos présentant les différentes étapes de ma recherche sur les inondations. Voici un montage regroupant chacune de ces capsules. Bon visionnement !

  • plus-icon Le contexte géographique

    Voyons voir comment les inondations surviennent de manière aussi fréquente à Saint-Hyacinthe avant la création du mur de protection. D’abord, faisons un peu de géomorphologie. La Ville de Saint-Hyacinthe comporte une partie « haute » qui couvre aujourd’hui presque la totalité de la ville et une partie « basse » qui commence près de la rue Girouard Ouest et qui descend vers la rivière. C’est cette dernière portion qui est naturellement vulnérable aux inondations, puisqu’elle est située plus près du niveau de l’eau. Ajoutons à cela le fait que la rive du côté des quartiers de la Providence et de Saint-Joseph a un niveau particulièrement élevé. Cela crée un effet de cuve qui englobe une partie du quartier Christ-Roi. Donc, cette section est une zone propice aux inondations, puisque si l’eau monte, elle va naturellement envahir cette partie basse de la ville.

    Outre les facteurs évidents qui peuvent causer une crue soudaine des eaux, comme les fortes pluies ou la fonte des neiges, il faut penser à la débâcle. Ce phénomène consiste en la rupture subite de la glace sur la rivière, qui se produit généralement au printemps. Ces débâcles sont à craindre, puisqu’elles peuvent causer un embâcle. Cet événement survient au moment où la glace flottante, issue de la débâcle, vient se coincer dans une nappe de glace stable s’accumulant sous elle, bloquant ainsi la circulation de l’eau. Incapable de s’écouler, l’eau fait gonfler la rivière et inonde les alentours jusqu’à ce que l’embâcle se brise.

    Selon le site du Gouvernement du Canada, six facteurs peuvent favoriser la création d’un embâcle. On retrouve quatre de ces paramètres à Saint-Hyacinthe. D’abord, la rivière effectue un tournant prononcé, ce qui complique l’évacuation efficace de la glace qui tend à se coincer dans le coude de la rivière. Ensuite, les piliers des quatre ponts, ainsi que les deux îles font office d’entrave à la circulation normale de la glace. Également, les eaux peu profondes de la rivière aggravent ce phénomène. Cette section de la rivière est donc particulièrement à risque pour la formation d’embâcles qui mènent aux inondations.

    Qui plus est, un autre facteur pouvant aggraver le phénomène de crue des eaux, est probablement le défrichement des terres agricoles le long de la rivière Yamaska. En effet, les arbres et la végétation retenaient une partie de l’eau qui s’écoulait autrefois de façon plus graduelle vers la rivière. Sans leur présence, l’eau s’écoule plus facilement des terres agricoles et surtout plus rapidement. Ce phénomène accentue sans aucun doute l’ampleur et la rapidité avec laquelle la rivière gonfle au moment des pluies ou lors de la fonte des neiges.

    Les débâcles, les fortes pluies et la fonte rapide de la neige seront les principales causes des inondations. Comme nous le verrons, les crues particulièrement graves, qui ont marqué l’histoire de la ville, n’auront pas été affectées uniquement par une seule de ces conditions, mais bien par plusieurs d’entre elles.

    Carte trouvée sur https://fr-ca.topographic-map.com/maps/6697/Saint-Hyacinthe/

  • plus-icon Notre démarche de recherche

    Voici quelques mots sur la manière dont les données que vous pourrez observer ont été recueillies. La collecte a été effectuée majoritairement par le biais du journal Le Courrier de Saint-Hyacinthe, grâce à la reconnaissance de textes de la Bibliothèque et archives nationales du Québec (BAnQ). Cette méthode vise à employer des mots clés dans l’outil de recherche, afin de cibler les différentes inondations dans le temps. Cette approche, bien qu’efficace, a cependant comme lacune de manquer de précision, imputable au système de reconnaissance de textes parfois imprécis de la BAnQ. De plus, les autres journaux locaux n’ont que très peu été sollicités, faute de temps. Ainsi, les données doivent être vues comme un seuil initial, puisqu’il est très probable que cette recherche n’aura pas réussi à cibler systématiquement toutes les inondations qui ont eu lieu sur le territoire de Saint-Hyacinthe.

    Malgré tout, 54 inondations ont été recensées, la plus vieille étant datée de 1836 et la plus récente de 1996. Si l’on écarte ces deux données extrêmes, 52 inondations ont été recensées sur une période de 124 ans, entre 1853 (date de création du journal Le Courrier) et 1977 (date de la fin de la construction du mur de protection). Cela fait donc une moyenne d’inondation notable tous les 2,4 ans! Puisque ce chiffre doit être certainement revu à la baisse, cela indique que les inondations survenaient à une très grande fréquence.

  • plus-icon Présentation d'un graphique

    Ce graphique présente les mois où ont eu lieu les différentes inondations. Sans réelle surprise, on constate que la crue des eaux survient fréquemment durant la fonte des neiges, au printemps, entre les mois de mars et d’avril. Fait important à noter, une inondation semble s’être produite au cours de chacun des mois de l’année, à l’exception de juillet. Cela expose, d’une part le caractère imprévisible que revêtent ces incidents, puisqu’ils peuvent survenir à tout moment de l’année. D’autre part, cela démontre la facilité avec laquelle le territoire de Saint-Hyacinthe peut être inondé, puisqu’il ne suffit que d’une période de fortes pluies pour qu’une inondation survienne, même en été.

    Tout au long de l’exposition, vous allez voir plusieurs cartes représentant des zones qui ont été inondées au moment de la crue des eaux. Ces cartes ont été réalisées à partir des données recueillies dans les différents journaux d’époque. Celles-ci sont donc loin d’être précises à défaut d’autres informations. Les journaux n’élaborent que très peu sur l’étendue exacte qu’a pu avoir l’eau des inondations. L’idée derrière l’élaboration de ces cartes était d’illustrer l’ampleur que pouvaient avoir les crues plus que de reproduire fidèlement leur amplitude.