Cette section va vous présenter six inondations qui se sont démarquées par leurs caractéristiques uniques. Nous allons suivre le fils de ces évènements au fur et à mesure que l’inondation prend de l’ampleur. La reconstruction de ces épisodes s’est effectuée à partir des données fournies par les journaux locaux, les journaux des supérieurs du Séminaire de Saint-Hyacinthe puis des procès-verbaux du conseil municipal de la Ville de Saint-Hyacinthe.
Au début du mois d’avril, la température est encore froide et la neige couvre toujours le sol de la ville, ainsi que la glace sur la rivière Yamaska. Or, vers le milieu du mois, une augmentation brusque de la température fait fondre subitement la neige.
Voici le suivi des événements de l’inondation de 1862. Durant la nuit du 16 au 17 avril, de forts vents ainsi que le gonflement des eaux contribuent à briser la surface glacée de la rivière : la débâcle est commencée. Dans l’après-midi du 17 avril, d’immenses et lourds blocs de glace frappent alors de plein fouet les différents quais qui bordent la rivière, les détruisant du même coup. Suivant le courant, les blocs viennent s’accumuler sur les portes en fer qui contrôlent le débit de l’eau dans les différents canaux alimentant les industries riveraines en énergie hydraulique.
Vers 18h, le début de la catastrophe commence. Les portes en fer cèdent sous l’effort du courant et l’eau est entraînée dans les canaux, qui se rompent quelques instants après le choc. Les eaux s’engouffrent vers la rue Saint-Antoine et frappent le moulin à carder d’un certain M. Marchessault, qui est emporté entier par le courant. Des débris heurtent ensuite le pont Biron (Barsalou) qui est lui aussi complètement détruit. Même constat pour le pont L’Heureux (Morison) qui cède à son tour sous la force de l’eau.
Dans le quartier Christ-Roi, la situation est tout aussi désastreuse. L’eau, qui avait maintenant cours, monte à vue d’œil dans les rues Saint-François, Saint-Simon, Saint-Amand et Bibeau. Plus terrible que la montée du niveau de l’eau, le courant dévastateur crée des ravages entraînant avec lui les maisons du quartier.
Comme si cela n’était pas assez, ce fut au tour du barrage de céder, augmentant encore une fois le débit de l’eau. Avec ce nouveau flot, les eaux emportent un autre moulin, celui de M. Fitchet, qui vient se briser contre une usine en briques, appartement à M. Solis. Le moulin de M. Boivin et M. Saint-Jacques est déjà emporté par les flots. Le Pont-Neuf (T.D Bouchard) est le seul encore debout, mais il est toutefois considérablement endommagé.
Selon Mgr Charles-Philippe Choquette, dans son Histoire de la Ville de Saint-Hyacinthe, le moulin de Fitchet vient aussi se heurter contre le moulin de Boivin et Saint-Jacques causant davantage de dégâts. Mgr Choquette avance que le pont de la Société (T.-D. Bouchard) ne fut pas seulement endommagé, mais bien complètement détruit. Cette situation ne laisse qu’un seul pont à la ville, celui du chemin de fer, suffisamment surélevé pour ne pas avoir subi de dégâts.
Au total, Le Courrier de Saint-Hyacinthe évalue le nombre de victimes à 126 familles et 561 personnes qui se retrouvent sans abris et sans pain. De ce nombre, 152 personnes ont recours à la mendicité. Cela laisse 409 personnes sans moyen de subsistance, ce qui représente le huitième de la ville. Cinq jours après l’inondation, l’eau ne s’est toujours pas complètement retirée, laissant la ville sans moulin à farine et sans communication avec le village de La Providence.
Bien que peu d’informations subsistent concernant cette inondation, elle est décrite par Mgr Choquette comme l’une des plus dévastatrices ayant frappé Saint-Hyacinthe.
L’hiver 1883 a été un hiver froid et neigeux. Arrivée au printemps, une grande accumulation de neige est toujours intacte, et ce, sur tout le territoire maskoutain. Comme craint par les autorités, une température trop élevée pourrait produire une inondation, puisque la chaleur ferait fondre la neige qui, transformée en eau, s’écoulerait en quantité importante vers la rivière la faisant gonfler.
C’est ce qui se produit le 12 avril, lorsqu’une chaude journée de printemps provoque la débâcle dans la partie inférieure de la rivière. Manque de chance, un embâcle se forme alors naturellement en aval du barrage, vis-à-vis le Séminaire de Saint-Hyacinthe et l’eau inonde la partie basse de la ville. Le Courrier évalue à 150 le nombre de maisons inondées à ce moment, qui touche les résidences de la rue Saint-Antoine. Le 13 avril, au plus fort de l’inondation, le toit de certaines maisons les plus près de la rivière, dépassent à peine le niveau élevé de l’eau. Si cet épisode provoque des dommages considérables aux habitations, il est important de noter qu’il n’y a pas encore de dégâts imputables au courant de l’eau. En effet, l’eau n’a fait que gonfler, inondant les rues et les caves. Plus tard, cette même journée, une brèche se forme dans l’embâcle et le niveau de l’eau réduit légèrement.
La situation semble vouloir se résorber jusqu’à ce que se produise le même jour, cette fois en après-midi, une autre débâcle en amont de la rivière, en haut du barrage. Cette nouvelle glace, emportée par le courant, détruit les quais et les remises sur la berge, trop peu ancrées au sol. Ces débris sont propulsés, tels des projectiles sur le barrage qui cède à trois endroits sous l’impact. N’ayant plus rien pour la retenir, l’eau frappe le pont Barsalou qui est emporté . Heureusement les ponts Morison et de la Société réussissent à rester en place, mais non sans dommages. Le courant abîme la chaussée, emportant les trottoirs. Les dégâts sont évalués par Le Courrier, entre 12 000 et 15 000 dollars.
Le barrage étant détruit, le niveau de l’eau en amont de la ville est complètement déséquilibré. Ce phénomène a pour première conséquence de complètement paralyser les industries se trouvant sur le bord de l’eau, mettant les ouvriers au chômage, le temps de réparer le barrage. De plus, les pompes de l’aqueduc de la ville ne touchent plus à l’eau, puisque celle-ci est devenue bien plus basse. La ville est donc privée d’eau potable durant plusieurs jours.
Comme fréquemment dans l’histoire de la ville, le printemps de 1898 a lui aussi été dévastateur pour les riverains. Un scénario qui peut vous sembler familier se met en place : une période de chaleur fait fondre rapidement la neige qui fait gonfler l’eau de la rivière. En 1898, cela se produit les 11 et 12 mars. À ce scénario déjà gravissime, viennent s’ajouter des précipitations, provoquant, selon le journal La Tribune : « un gonflement extraordinaire des eaux ». De plus, les glaces qui se sont constituées entre le pont du milieu (Morison) et celui de la Société (T.-D. Bouchard) se brisent et viennent s’accumuler en aval de la rivière, près du Séminaire selon La Tribune, mais aussi dans les piliers de ces mêmes ponts selon Le Courrier de Saint-Hyacinthe. Ces facteurs causent alors un important refoulement des eaux.
L’eau gonfle atteignant la hauteur de 5,5 mètres près du pont de la Cascade. Les maisons près de la rivière ont leur premier étage complètement inondé. Au total, Le Courrier dénombre entre 350 et 400 maisons qui baignent dans l’eau, entourées de blocs de glace. L’Académie Girouard, qui se situe sur la rue Mondor, a même son sous-sol complètement inondé et trente centimètres d’eau à son premier étage, ayant pour conséquence la fermeture de l’école. Au plus fort de la crise, il est possible de retrouver de l’eau jusqu’à la rue Sainte-Marguerite.
Au niveau des dommages, deux maisons, qui se situent près du collège, sont emportées par les flots et par l’immense pression des blocs de glace qui viennent s’échouer contre elles. Qui plus est, en fouillant les procès-verbaux du conseil municipal de la Ville de Saint-Hyacinthe, on peut se rendre compte que 61 mètres de trottoirs ont été emportés par le courant, pour un total de 44 $ de dégâts. Malgré tout, peu d’infrastructures ont été endommagées par le courant et les dégâts sont surtout dus à l’accumulation d’eau dans les sous-sols. Les industries riveraines voient ainsi leurs marchandises stockées sous le niveau du sol complètement ruinées. Par exemple, au journal La Tribune, plusieurs boîtes de papier d’impression, qui sont entreposées au sous-sol, ont été trempées par l’eau.
Fait inusité, l’eau, qui s’infiltre dans les égouts de la ville provoque des refoulements, même dans les zones qui ne sont pas touchées directement par l’inondation. Ainsi, les maisons autour du marché centre ont eu comme désagrément de voir, elles aussi, de l’eau dans leurs caves. Néanmoins, peu après 2 heures, l’embâcle cède et l’eau descend presque immédiatement de 1,22 mètre. L’intensification de l’inondation n’est alors plus à craindre.
L’inondation de 1898 laisse une quantité considérable de personnes sans-abris. Pour venir en aide aux sinistrés, le maire, Euclide-Henri Richer, fait libérer les salles de l’Hôtel de Ville en haut du marché pour les accueillir. Il donne ensuite l’ordre à l’Ouvroir Sainte-Geneviève, un établissement religieux dédié à la charité, de donner des vivres afin de veiller à bien nourrir ces personnes, le temps que la rivière regagne graduellement son lit.
Toutes les inondations dont nous avons traité jusqu’à présent sont survenues au moment de la fonte des neiges au printemps. Elles ont ensuite été aggravées selon les embâcles ou la présence de précipitation. Or, à Saint-Hyacinthe, les inondations ne se sont pas produites qu’au printemps et il est aussi fréquent d’être inondé uniquement à cause d’une période de fortes précipitations et ce, toutes saisons confondues.
C’est ce qui se produit la nuit du vendredi 4 novembre 1927, où une forte pluie qui dure depuis la veille sévit dans toute la région. Dès cette journée, le bas de la ville se retrouve inondé par l’impressionnante quantité d’eau qui tombe du ciel. Comme le relève dans son journal Léon Pratte, le supérieur du Séminaire de Saint-Hyacinthe, plusieurs maisons sont déjà à l’eau.
La situation s’aggrave le 5 novembre, malgré le fait que la pluie cesse de tomber. En effet, l’élévation de l’eau augmente à cause du ruissellement constant de l’eau qui s’effectue vers la rivière jusqu’à atteindre un niveau rarement vu auparavant. Toutes les maisons qui se situent sur les rues Vaudreuil et Brodeur ont de l’eau qui atteint le deuxième étage. En bas du barrage, près de l’usine Penman’s, les flots atteignent entre quatre et cinq mètres : « L’inondation est probablement la plus grave que l’on ait connue à Saint-Hyacinthe; les vieux citoyens ne se rappellent que de celle de 1903 ».
Avec toute cette quantité d’eau, tout le bas de la ville est inondé jusqu’à la rue Saint-Antoine derrière le marché centre. Le Courrier évalue à 250 le nombre de familles qui ont dû trouver refuge chez des proches afin d’être logés et nourris le temps que l’inondation se résorbe. Le Clairon évalue, de son côté, à 1300 personnes le nombre de sinistrés avec des pertes occasionnées d’environ 65 000 $.
Cette montée des eaux soudaines a encore une fois endommagé tous les commerces, les moulins et la tannerie qui se situent près de la rivière, tout en paralysant leurs activités. C’est le caractère soudain de cette inondation qui frappe l’imaginaire. La rivière a pris cette proportion en moins de 48 heures, en plein mois de novembre. L’infiltration des soubassements par l’eau est inévitable et dévastatrice pour la marchandise qui y est stockée. La hauteur exceptionnelle de la crue fait en sorte que dans les résidences, les meubles sont particulièrement endommagés. Un fait, qui indispose davantage les citoyens, est que l’inondation gâte parfois leurs provisions d’hiver, que les familles ont stockées. Privées d’ameublement et de provisions, certaines familles se retrouvent dans une situation particulièrement précaire pour affronter l’hiver.
Heureusement, l’eau ne reste pas longtemps à cette amplitude et dès la journée du 11 novembre, elle s’est complètement retirée. Évidemment, plusieurs caves sont toujours remplies et une épaisse couche de limon recouvre les rues du quartier Christ-Roi, ainsi que des débris apportés par le courant. Selon Le Courrier de Saint-Hyacinthe, les dégâts causés prendront une semaine avant d’être réparés.
L’inondation du 18 mars 1936 est survenue, comme beaucoup d’autres, au printemps, au moment de la débâcle. Celle-ci se produit le mercredi 18 mars et fait monter l’eau de la rivière dans la nuit de mercredi à jeudi, ce qui inonde tout le bas de la ville. Selon Le Clairon, c’est près de 250 maisons qui sont sous les eaux, à partir de jeudi après-midi, résultant en une sérieuse catastrophe.
Si l’on pense alors que tout danger est prévenu, l’inondation est appelée à s’accentuer dans la journée de jeudi. En effet, vers 3 heures en après-midi, la débâcle s’effectue vis-à-vis la municipalité de Saint-Pie, qui se situe en amont de la rivière. Les débâcles peuvent aussi être dangereuses lorsqu’elles se situent en amont de la rivière, puisque le courant amène naturellement la glace qui peut se coincer vis-à-vis la ville. Les blocs de glace sont alors entraînés jusqu’à Saint-Hyacinthe, faisant augmenter davantage le niveau de la rivière, inondant les parties du bas de la ville qui ne l’avaient pas encore été : « Tout le bas de la ville jusqu’à la rue Saint-Antoine est rempli d’eau ». En cette journée du 20 mars, Le Courrier évalue le nombre de maisons inondées à 350.
Pire encore, ces blocs de glace se précipitent vers les infrastructures riveraines causant des dommages considérables. Le pont en acier de la Providence, frappé de toute part, cède et est emporté par les flots. Selon le rapport de l’inspection du pont Barsalou par un ingénieur de la ville, un pilier du pont est complètement désagrégé et deux travées en fer sont détruites. Une grange, située près du marché à foin, est arrachée de ses fondations et emportée par les flots. Le pont Morison, quant à lui, est aussi sévèrement mis à l’épreuve, puisque l’eau atteint presque le tablier, il est d’ailleurs fermé à la circulation. La salle de théâtre de la villa Sainte Jeanne d’Arc, aujourd’hui à l’angle des rues Sainte-Anne et Marguerite Bourgeois a été, également, ravagée par l’eau et la glace.
Durant cette catastrophe, on évalue que 291 personnes ont subi des pertes, dont 66 d’entre elles sont jugées « extrêmement pauvres ». Pour leur venir en aide, la ville et le maire Télesphore-Damien Bouchard décident de verser des indemnités à la hauteur de 2 000 $ à même les fonds publics. Ces fonds serviront à dédommager ceux qui ont perdu leurs biens mobiliers, leur nourriture ou encore leurs effets personnels lors de l’inondation. Qui plus est, des salles au marché centre, l’Ouvroir Sainte-Geneviève et dans les locaux du Club Libéral ont été réservées afin d’accueillir les sinistrés.
Finalement, un rapport effectué par René Richer sur les dégâts de l’inondation nous donne le topo total des dégâts. On apprend que 275 propriétés ont été atteintes avec 245 immeubles endommagés. La valeur estimée des dégâts au pont Barsalou est de 25 000 $, celle aux marchandises évaluées à 16 275 $ et les dégâts aux mobiliers à 20 730 $. Pour un grand total de 77,860 $ de dommages subis lors de cette grande inondation.
Douze ans après la catastrophe que fut l’inondation de 1927 et trois ans à peine après celle de 1936, la Ville de Saint-Hyacinthe est de nouveau frappée par une inondation majeure. Selon le supérieur du Séminaire de Saint-Hyacinthe Jean-Baptiste Olivier Archambault, celle-ci est encore provoquée par les températures douces du printemps. Cette chaleur fait fondre la neige qui fait à son tour gonfler le lit de la rivière et provoque la débâcle. Les blocs de glace ainsi libérés provoquent une crue des eaux.
Selon Le Courrier tout le bas de la ville est inondé, l’eau s’infiltrant abondamment dans les rues Saint-Casimir, Saint-Pascal, Saint-Simon, Saint-Louis, Saint-Michel et Saint-Paul. Au sommet de la crise, l’eau se rend vis-à-vis l’Église Christ-Roi à l’angle des rues Concorde et Sainte-Marguerite. Selon Le Clairon, le quartier du marché à foin « repose sous plusieurs pieds d’eau ». Qui plus est, l’inondation fait refouler l’eau des égouts qui envahit les caves des maisons situées près de la rue des Cascades.
Durant la nuit, la police de Saint-Hyacinthe procède au sauvetage de différentes familles qui se retrouvent sans logis. Cinquante personnes sont ainsi logées à l’étage supérieur du marché centre, le temps qu’elles retrouvent leurs habitations.
La montée des eaux a souvent des conséquences plus anodines comme la fermeture des écoles du quartier qui ont eu lieu jusqu’à ce que l’eau des sous-sols soit pompée. Ainsi, les académies Girouard et Prince et l’école Christ-Roi ont toutes trois dû fermer leurs portes.
La circulation dans les rues de la ville se fait en chaloupe, moyen de locomotion emprunté notamment par les marchands de lait et de pains qui distribuent leurs vivres à bord de petites embarcations.
Heureusement, les marchands, avisés de la prochaine inondation, ont eu le temps de déplacer les marchandises susceptibles d’être inondées, ce qui réduit considérablement les pertes occasionnées par la montée des eaux. Néanmoins, plusieurs réparations restent à faire dans les caves et sur certains bâtiments, notamment à l’Église Christ-Roi et au presbytère qui ont tous deux, été inondés.
Si cette inondation n’a pas été des plus dommageables, elle se démarque néanmoins par son ampleur.
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